colloque médico-sportif de Nevers 1996

La privation de sommeil modifie-t-elle les performances aérobie et anaérobie ?

F. MOUGIN, H. BOURDIN, ML. SIMON-RIGAUD, JP. KANTELIP 

 

Dans la vie d'un athlète, de nombreuses circonstances sont à l'origine d'une perturbation du sommeil, qu'il s'agisse d'un réveil précoce ou d'un coucher tardif, ou d'une insomnie nocturne, et peuvent aboutir à une désorganisation du sommeil. Parmi celles-ci, certaines sont particulièrement fréquentes : le décalage horaire consécutif aux vols transméridiens, le départ matinal d'une épreuve d'endurance, les modifications d'environnement. Tous ces facteurs peuvent augmenter la fatigue et s'accompagner d'une « contre-performance » durant la compétition. Jusqu'à présent, peu de travaux avaient été menés spécifiquement dans l'objectif d'analyser les effets d'une privation partielle de sommeil sur l'exercice suivant cette privation. Le but de ces travaux était d'évaluer l'influence de différentes conditions de limitation du sommeil comparativement à un sommeil normal de 8 heures sur les réponses cardio-respiratoires et métaboliques consécutives aux exercices aérobie et anaérobie chez des sujets très entraînés.

 

Les enregistrements du sommeil ont été réalisés dans un laboratoire spécialisé. Dans les conditions de privation de sommeil, les sujets étaient soit maintenus éveillés jusqu'à 3 heures du matin, soit réveillés à 3 heures du matin et maintenus éveillés, soit réveillés au milieu de la nuit (entre 2 et 5 heures du matin). Le jour suivant, ils réalisaient une épreuve. Dans la première expérimentation, le protocole consistait en un échauffement de 10 minutes constitué de paliers de puissance progressivement croissante, de façon à atteindre à la fin de l'épreuve une intensité représentant 75% de Vú O2max. Cette intensité était maintenue pendant 20 minutes puis progressivement augmentée jusqu'à l'épuisement. Dans la seconde expérimentation, le test de Wingate réalisé sur le même ergocycle consistait en un bref sprint maximal effectué contre une force constante représentant 0.5 Fo, déterminée préalablement lors d'un test force-vitesse. Durant ces tests, les sujets étaient équipés d'un masque facial couplé à un jeu de valves inspiratoire et expiratoire. La ventilation, la consommation d'oxygène, l'équivalent respiratoire en oxygène (Vú E/ Vú O2) sont obtenus grâce à un pneumotachographe et des analyseurs de gaz rapides. La fréquence cardiaque est suivie et enregistrée sous forme numérique et graphique. Des échantillons de sang sont analysés pour déterminer la concentration en lactate au repos, durant l'exercice et la récupération.

 

Le déficit de sommeil affecte la composition du sommeil comparativement au sommeil normal. La privation partielle de sommeîl détériore quelques caractéristiques physiologiques de l'exercice telles que le pic Vú O2 qui est diminué et par voie de conséquence le Vú E/ Vú 02 qui est augmenté.

 

La privation de sommeil ne s'accompagne pas de réactions anormales sur les performances anaérobies : les vitesse maximale, puissance maximale, pic Vú O2, concentration plasmatique en lactate (au repos, à l'épuisement, et durant la récupération) ne s'accompagnent d'aucune modification des valeurs obtenues à la suite de la nuit de référence.

 

Les résultats de ces travaux montrent que le déficit partiel de sommeil n'affectait pas les réponses physiologiques lors de l'exercice anaérobie et la récupération, alors qu'il perturbait la performance aérobie. Ceci suggérerait donc qu'une structure normale du sommeil soit nécessaire pour accomplir des performances optimales lors des compétitions d'endurance, alors qu'elle serait moins importante lors des exercices extrêmement courts.