L'ENTRAÎNEMENT INDIVIDUEL

par Jean-Paul ECLACHE

 

RÉSUMÉ

L'une des raisons essentielles de la création de l'ASTB il y a maintenant exactement vingt ans, est la prise de conscience, par quelques scientifiques, sportifs et cadres techniques passionnés par l'activité physique, de l'incapacité de nos décideurs et de nos structures à organiser et offrir aux individus actifs un suivi médico-scientifique leur permettant d'appréhender puis d'optimiser leur potentiel. L'un des axes de recherche fondamentale et appliquée fut donc tout naturellement l'analyse des techniques et des effets physiologiques des différentes formes d'entraînement pratiqués dans différents domaines et en particulier dans celui du sport de haut niveau. Les bilans effectués à l'occasion de ces travaux s'avérèrent beaucoup plus inquiétants que ne le laissaient prévoir les premières impressions ou sensations subjectives : le sport de haut niveau happé par le tourbillon politico-médiatico-financier était à la fois un gros consommateur des thérapeutiques excessives, des différentes formes de dopage, des gourous et des consultations de traumatologie. Les plans d'entraînement offerts visaient pour la plupart non l'épanouissement et la réussite durable, mais le succès à court terme, quel qu'en soit le prix biologique et financier. Les différentes formes d'entraînement traditionnel que je qualifie de « cycloïde, poker, surhomme, tiroir ou plagiat », ont toutes en commun ce caractère excessif dont la gestion particulièrement difficile et risquée conduit dans de nombreux cas l'athlète à l'usure biologique, à la contreperformance et pour y pallier aux pires extrémités. Seul un entraînement fondé sur un objectif d'optimisation d'une expression durable du potentiel génétique individuel était à même de satisfaire a l'éthique scientifique, sportive et médicale. Entre l'involution de l'inactivité et la déstructuration de la suractivité, dont les conséquences sont voisines tant en termes de réduction de l'aptitude physique que d'augmentation de pathologies multiples, il était donc nécessaire de définir la zone de puissance susceptible de s'accompagner simultanément d'une stimulation adaptative optimale tout en ne présentant aucun caractère d'irréversibilité. Celle-ci via la mise en jeu du système de commande et de régulation neuro-endocrinien, et surtout les boucles hormonales longues à temps de réponse élevé, est directement liée à l'intensité et à la durée de la baisse du pool énergétique cellulaire dont les phosphagènes et la phosphocréatine en particulier (PCr) en sont les représentants fondamentaux. Mais cette stimulation ne peut bien évidemment s'accompagner d'adaptation que dans la mesure où les architectures tissulaires qui en sont le support n'ont elles-mêmes pas été détruites. Il faut donc bien distinguer ces structures support de celles qui ont vocation de réserves énergétiques de carburant utilisables par l'entraînement. Cette zone qui permet à la fois d'abaisser le niveau de PCr tout en limitant l'accumulation des déchets métaboliques destructeurs s'est avérée correspondre à ce que l'on a coutume d'appeler « zone de transition aéro-anaérobie ». Sous réserve d'éliminer les microtraumatismes répétitifs eux-mêmes pourvoyeurs de destructions cellulaires, une séance caractérisée par ce niveau de puissance apparaît essentiellement limitée dans le temps par le nombre de cellules musculaires mises en jeu et la quantité des réserves énergétiques de glycogène musculaires présentes en début d'activité. La restauration complète de ces réserves étant de l'ordre de un à trois jours selon les conditions diététiques et d'activité, la fréquence hebdomadaire moyenne de telles séances peut être évaluée à trois. Cet entraînement global de type « biochimique », essentiel pour supporter longtemps et sans dommage des activités d'entraînement et de compétition plus dures, ne présente en revanche et sauf exception, que peu d'intérêt sur le plan de l'acquisition des qualités biomécaniques indispensables à l'optimisation de la performance physique professionnelle ou sportive.

Si ces qualités biomécaniques dépendent pour une petite part des caractéristiques anatomiques et histo-enzymologiques des cellules musculaires, elles dépendent en outre des caractéristiques mécaniques tendineuses et ostéo-articulaires, mais aussi et surtout des qualités du système neurologique de commande et de régulation motrice : en effet les caractéristiques d'excellence gestuelle, qu'il s'agisse de précision, de vitesse, de force ou de puissance, sont surtout dépendantes des modalités de fréquence de stimulation et de recrutement des unités motrices, en particulier chronologie et/ou synchronisation. Le principe de spécificité de l'activité gestuelle reproduite à la base des processus d'acquisition et de renforcement des schémas moteurs ne doit être modulé qu'en fonction des hypothèses d'évolution des performances et des conditions technico-tactiques et matérielles. Le challenge de l'entraînement biomécanique, qui nécessite donc dans un certain nombre d'activités de mettre en jeu des puissances et des variations de puissance telles qu'un déficit en oxygène est incontournable, est soit d'en réduire artificiellement la puissance, mais en tentant de respecter au maximum les composantes essentielles de précision, vitesse ou force, soit mieux d'en réduire la durée; le fractionnement qui en résulte est calqué, en ce qui concerne les phases actives, sur les caractéristiques mécaniques propres des activités fondamentales composites. En ce qui concerne les phases de récupération, l'intensité sera calquée sur celle spontanément adoptée dans l'activité ou sur l'intensité individuelle de meilleure cinétique de récupération métabolique ; la durée est calculée de telle façon que les conditions métaboliques locales soient identiques en fin de chaque phase de récupération avec pour objectifs une élimination des déchets métaboliques toxiques préjudiciables au contrôle moteur et une simple conservation des effets favorables de l'échauffement.. Sous réserve de respecter ces règles, l'entraînement biomécanique perd les effets délétères que l'on observe habituellement, en particulier lors des périodes de stage ou d'affûtage avant compétition. Il peut donc s'intégrer très rapidement dans un plan d'entraînement dès que les progrès biologiques induits par l'entraînement biochimique foncier ne nécessitent plus, après une phase transitoire de quelques semaines, qu'un entretien soutenu. Il évite donc l'instabilité et les oscillations fâcheuses qui se traduisent par des évolutions biologiques elles-mêmes sinusoïdales, mais malheureusement d'amplitudes et de périodes différentes ; par voie de conséquence, l'acmé des oscillations de performances de l'entraînement traditionnel est généralement postérieure à celle d'aptitude biochimique mais précède celle d'aptitude biomécanique ; la période de forme n'est donc qu'un mauvais compromis instable et transitoire qui est donc obligatoirement suivie d'une période de contre-performance importante de plusieurs semaines ! Une réduction générale importante des échecs fracassants, de la pathologie ou des accidents dramatiques est-elle envisageable dans les années qui viennent ? Scientifiquement parlant la réponse ne peut être qu'affirmative : les multiples performances mondiales obtenues aisément en suivant les principes d'entraînement moderne développés par le Laboratoire de la Performance et présentés dans cet article sont là pour le prouver; malheureusement, dans ce monde instable suspendu comme une marionnette à un yo-yo boursier dont quelques richissimes mégalomanes paranoïaques tirent périodiquement la ficelle, les règles de sérieux, de durabilité, de continuité ou de stabilité apparaissent comme une provocation et un risque insupportables ; ils portent trop en eux le ferment d'une véritable appropriation de la connaissance et de la liberté individuelles que n'ont de cesse d'aliéner les prêtres de l'hypocrisie, les gourous et pourvoyeurs de drogue, les vendeurs d'ésotérisme et autres maquilleurs des vérités biologiques. En matière d'entraînement comme en bien d'autres domaines, il faudra donc vraisemblablement attendre que quelques scandales fracassants, dont ils seront responsables et coupables, ne leur imposent de retourner rapidement leur veste de survêtement pour reprendre à leur compte l'éthique et les règles pratiques édictées par l'ASTB depuis les années 77.

Cet article est extrait d'un travail de vulgarisation scientifique réalisé pour les athlètes de haut niveau en listes régionales et nationales, les cadres techniques et les médecins des fédérations chargés de leur suivi ; ce travail a fait l'objet d'une synthèse publiée intégralement dans deux bulletins de l'A.S.T.B. (Bull. Ass. Sport Trav. Biol., I & 5, 1997). Il s'agit de la dernière mise à jour des différentes synthèses successives concernant l'entraînement réalisées dans cet objectif depuis plus de vingt ans. Réalisée à partir de l'analyse des travaux scientifiques de la littérature internationale, elle intègre les résultats des différents travaux réalisés en ce domaine dans le Laboratoire de physiologie de l'université Claude Bernard-Lyon et dans le Laboratoire de la performance de l'A.S.T.B., en particulier ceux réalisés pour la Préparation olympique et le Ministère de la jeunesse et des sports entre 1987 et 1992, ainsi que ceux de la Section aptitude physique et du Laboratoire de biologie de l'exercice physique du C.R.S.S.A. pour le Ministère de la défense. Cette analyse et ces travaux fondamentaux se sont enrichis de très nombreuses expériences pratiques validant le bien fondé des principes et règles de préparation édictés par l'A.S.T.B. grâce à la réussite systématique des différentes équipes et athlètes engagés individuellement ou collectivement dans les compétitions et les records de niveau mondial préparés par le Laboratoire de la performance.

L'entraînement ou action de préparation à un sport ou à une compétition (Larousse), relève implicitement du domaine de l'éducation physique et des loisirs; il reste donc encore de nos jours très dévalorisé par rapport à l'enseignement intellectuel considéré comme noble et obligatoire et donc généralement pris en charge par nos sociétés. Cette dichotomie culturelle absurde qui tend à fracturer l'individu en deux sous-ensembles indépendants voire même opposés, le bien et le beau contre le laid et le mal, est l'une des raisons majeures de fragilisation de l'individu et de son exploitation par différentes structures socioculturelles : comme pour la plupart des secteurs ainsi dévalorisés et qui n'ont que peu ou pas attiré l'intérêt du monde scientifique, le vide laissé par l'absence de culture de base transmise dès le plus jeune âge à chaque individu laisse donc le champ libre à tous les excès et toutes les exploitations des professionnels du paraître et du maquillage qui hantent le monde des médias, du show business et de la politique. C'est pour cette raison qu'il me paraît essentiel avant de traiter cette question de bousculer quelques fantasmes et contre-vérités dont le fondement tient plus des croyances religieuses voire des fanatismes, que de l'observation scientifique. Après une rapide synthèse des principales distorsions affectant l'entraînement traditionnel et qui conduisent chaque année un fort pourcentage de sportifs dans les consultations médicales spécialisées, nous redéfinirons dans un second chapitre les principes et objectifs modernes d'un entraînement susceptible de satisfaire aux deux objectifs complémentaires de réduction de la pathologie et d'optimisation des performances. Le troisième chapitre est consacré à la présentation des techniques modernes d'entraînement et à l'adaptation des activités critiques. Le dernier est consacré aux aspects pratiques de la planification de l'entraînement, à son analyse et à son suivi tels qu'ils furent réalisés par le Laboratoire de la Performance lors de la préparation des athlètes et équipes nationales ayant atteint les plus hautes marches de la hiérarchie internationale.

 

1- L'ENTRAÎNEMENT TRADITIONNEL ET SES DISTORSIONS

 

1.1 - Entraînement cycloïde

L'abandon progressif des valeurs traditionnelles du sport, de son intérêt pour la santé, de son rôle socio-éducatif, au profit du sport spectacle et du sport profit, aboutit progressivement à une professionnalisation et, compte tenu des réalités biologiques, une réduction de la durée de la carrière sportive ; ceci justifie, comme pour les pouvoirs en place qui sont à la fois instigateurs et utilisateurs de ces dérives, toutes les prises de risque et tous les excès, voire même une certaine déresponsabilisation. Cette attitude parfois suicidaire alimente bien sûr aussi bien la tricherie simple que le dopage, l'utilisation des vendeurs de miracles et des gourous que le fétichisme ou la pseudo-théorie des biorythmes... De nécessité biologique, l'entraînement devient nécessité économique : il est l'outil indispensable permettant d'alimenter les arènes du sport le temps de quelques spectacles rentables ! Ainsi, plutôt que de lutter contre les rythmes archaïques et stéréotypés auxquels nous sommes tous soumis, activité-retraite, travail-vacances, semaine-week-end,... l'entraînement accentue ces oscillations souvent antibiologiques ; même paré d'atours linguistiques attrayants et sans fondement scientifique tels que microcycles ou macrocycles, le cycle d'entraînement devient souvent cycle infernal gros pourvoyeur de pathologie microtraumatique et macrotraumatique.

L'entraînement commence généralement par une phase de remise à niveau biologique foncier après la période des vacances ; compte tenu de l'intensité et de la concentration des compétitions, cette phase s'est en effet souvent traduite par une réduction importante voire même un arrêt de l'activité sportive. Progressivement et de façon plus ou moins intense ou tardive selon la discipline pratiquée, sont introduits en remplacement ou complément des entraînements techniques ou plus spécifiques. Tel est le cas en particulier des stages préparatoires et précompétitifs : le regroupement des moyens et personnes sur un même lieu et durant des périodes courtes de une à quelques semaines justifie bien évidemment la recherche d'une certaine rentabilité; il est indéniable que l'augmentation d'activité qui en résulte conduit généralement à une progression technique souvent très nette ; en revanche cette surcharge va de pair avec une usure centrale et périphérique, un fléchissement du potentiel bioénergétique et une augmentation de la pathologie traumatique imposant ensuite un cycle de repos récupérateur de quelques jours à quelques semaines pour cicatrisation et récupération cellulaires.

1.2- Entraînement poker

Lorsque cette intensification précède une échéance compétitive (phase d'affûtage), l'amélioration des performances se poursuivra tant que l'amélioration biomécanique, c'est à dire l'efficacité gestuelle, tant dans ses composantes périphériques que centrales (apprentissage, mémorisation...), l'emportera sur le fléchissement bioénergétique ; ceci dépend bien évidemment du type de sport et de compétition et donc de l'importance relative de ce deux groupes de facteurs dans la performance; mais quoi qu'il en soit et déjà avant d'atteindre le fameux pic de forme plus ou moins bref recherché, la baisse de potentiel bioénergétique a limité les possibilités d'acquisition technico-tactiques; le jeu consiste donc à éviter que cette phase descendante n'intervienne comme on le voit trop souvent juste avant la compétition le jour J; outre le fait que ce raté soit encore une fois une forte incitation au dopage, la contre-performance traduit alors une dégradation biologique profonde, enclenchée et aggravée depuis plusieurs jours, et sur laquelle le remède miracle et l'obstination thérapeutique et compétitives ne peuvent plus avoir que des effets catastrophiques !

1.3- Entraînement surhomme

Le sportif médiatisé devient par essence un être anormal qui doit faire dans l'exceptionnel ; et même si le monde sportif finit par prendre conscience que les intensités et les durées véhiculées à une certaine époque se trouvaient systématiquement taxées et gonflées, en particulier au passage de certaines frontières interdisant toute vérification sérieuse telles que le rideau de fer, cette pression reste encore bien souvent à l'origine d'un sentiment de culpabilisation, imposant d'en faire toujours un peu plus ; dans bien des cas, la théorie du il faut se faire mal devient une fin en soi ou même un refuge : en effet, au delà du masochisme, l'excuse est prête en prévision d'un échec futur ! Côté entraîneur, cette pression est aussi utile puisqu'elle justifie de remplir les programmes quotidiens voire même les loisirs de sportifs professionnels qui ne peuvent plus se consacrer qu'à cette seule activité; ce remplissage est l'une des stratégies habituelles contre le désoeuvrement et les déviances ou les débordements qui lui sont liés. Autre facteur de surcharge, pour éviter la routine et l'ennui psychologique qui peuvent découler de cette professionnalisation, il est nécessaire de développer les aspects ludiques et la variété au sein de entraînement; ceci se traduit en termes de relation intensité-durée par une surabondance d'exercices de type fractionné, certes plus attrayants, mais de gestion plus difficile car gros pourvoyeurs de lésions cellulaires.

1.4- Entraînement tiroir

Des progrès scientifiques en matière de biologie des activités physiques et sportives, le monde sportif a essentiellement conservé le parage linguistique : aux vieux termes définissant tant bien que mal l'activité d'endurance et résistance dont nos dictionnaires d'ailleurs avaient quelques difficultés à appréhender les subtilités du contenu sportif, se sont greffés, pour plus de précision, les termes de vitesse, force, volume, capacité.... Ces tiroirs sont censés correspondre à des qualités indépendantes, empilées sans aucune relation logique chez tout individu ; l'entraînement consiste à animer chaque tiroir et à tenter d'en améliorer le fonctionnement. L'affaire s'est quelque peu compliquée depuis une cinquantaine d'années puisqu'en plus des tiroirs classiques, la propension des médias et du milieu sportif à assimiler le langage scientifique a abouti à empiler de nouveaux tiroirs (aérobie, anaérobie, lactique, alactique...) et à les combiner; la multiplication des tiroirs ne rend pas la manipulation, passez moi ce jeu de mots, commode : les possibilités de combinaisons ou d'arrangements sont tels qu'il faut parfois de nombreuses heures pour lire et traduire en langage technique ou scientifique simple certains plans d'entraînement. Cet entraînement que l'on pourrait qualifier d'analytique présente donc à peu près les mêmes travers que la thérapeutique qui tente de faire croire qu'elle soigne la maladie en traitant ses effets les plus visibles alors qu'elle devrait traiter le malade en soignant ses causes!

1.5-Entraînement plagiat

Au même titre que l'enseignement dit intellectuel, l'enseignement physique ne peut qu'exceptionnellement s'individualiser. Le rapport du nombre de professeurs sur le nombre d'élèves ne s'inverse que dans quelques rares cas privilégiés réservés à une élite dont les critères de sélection deviennent de plus en plus dépendants de leur poids économique. La palette d'aptitudes étant particulièrement variée, y compris dans certaines équipes de haut niveau, il faut admettre pour la majorité de ceux dont l'aptitude ne correspond pas à l'option d'entraînement retenu, soit l'insuffisance, soit beaucoup plus souvent la surcharge. Cette surcharge se complique du fait d'une propension traditionnelle à vouloir calquer les plans d'entraînement et les choix technico-tactiques et matériels sur ceux utilisés par les meilleurs athlètes. Un raisonnement encore plus simpliste, mais malheureusement beaucoup plus courant qu'on ne le croit, consiste à considérer que pour obtenir encore de meilleurs résultats, il suffit d'augmenter les doses prescrites. Enfin, dernier élément de surcharge : le vieux principe de l'imitation et de la répétition des gestes et des intensités de la compétition, demeure l'une des bases, mais parfois la seule, de l'entraînement : or, si ce principe est indéniablement intéressant en ce qui concerne les processus d'apprentissage moteur, il l'est beaucoup moins en ce qui concerne le développement des qualités biologiques qui conduisent à l'amélioration durable des performances, en particulier quand la compétition conduit pour des raisons de durée ou d'intensité à des altérations cellulaires profondes seulement supportables de manière très épisodique. Il devient même parfois catastrophique en cas de spécialisation exclusive, autre vieux principe d'autant plus nocif qu'il est appliqué précocement, en particulier chez l'enfant et avant la puberté.

 

2- OBJECTIFS ET PRINCIPE DE L'ENTRAÎNEMENT MODERNE

 

2.1 -Objectifs de l'entraînement

À l'objectif d'amélioration temporaire et à n'importe quel prix des performances individuelles devrait donc se substituer celui d'amélioration durable ; cette longévité implique non seulement un respect mais aussi une valorisation de la nature humaine : de gladiateur jeté dans l'arène, objet de consommation courante ou support publicitaire difficilement recyclable jeté après usage, le sportif redeviendrait modèle d'excellence dans différents domaines des sciences humaines et de la vie. Redonner une vraie liberté aux individus en leur permettant d'optimiser ou d'exprimer au mieux leur potentiel génétique, plutôt que de l'asservir à un même modèle stéréotypé soit tristement moyen, soit artificiellement exceptionnel, tel devrait être l'objectif de l'entraînement. Cet objectif sous-entend en plus deux domaines d'application biologiquement complémentaires :

L'amélioration de l'aptitude dans le domaine du physiologique ou du sujet sain, et la réduction des inaptitudes dans le domaine du pathologique ou du sujet malade. Le physiologique peut lui-même se subdiviser en deux rubriques principales :

1) développement et entretien des facteurs de l'aptitude biochimique, aptitude à raffiner, à partir des carburants traditionnels sucres et graisses, l'ATP seul supercarburant universel utilisable pour le fonctionnement de nos cellules : ceci implique donc une optimisation du fonctionnement de tous les organes et fonctions d'échange et de transfert énergétique en particulier respiration, digestion, circulation, excrétion et détoxication, et leur commande et régulation neuro-endocrinienne ;

2) développement et entretien des facteurs de l'aptitude biomécanique, aptitude à utiliser ce supercarburant pour restituer au monde extérieur une gestuelle motrice de qualité : cela implique une optimisation de tous les organes mis en jeu dans la restitution d'énergie mécanique au milieu extérieur, appareil ostéo-articulaire, musculo-tendineux, commande et régulation motrice. Une fois défini cet objectif reste à redéfinir le principe même de l'entraînement et donc les méthodes pratiques qui en découlent.

2.2-Principe de l'entraînement

Le principe de l'entraînement consiste simplement à mettre en jeu la machine humaine de façon à déclencher l'adaptation de ses systèmes de commande et de régulation : la baisse des supercarburants cellulaires, adénosine tri phosphate (ATP) et phosphocréatine (PCr), consécutive à l'élévation de leur utilisation et de leurs produits d'hydrolyse, qui sont de puissants effecteurs allostériques des enzymes et des réactions métaboliques à l'origine de leur production, déclenche une augmentation immédiate puissante de leur synthèse évitant l'effondrement énergétique local et la mort cellulaire. La stimulation des capteurs périphériques et centraux sensibles aux composantes mécaniques et chimiques du travail musculaire conduit à une élévation adaptée compensatrice de l'activité neuro-endocrinienne de type sympathique avec réduction corollaire de l'activité parasympathique: cette mise en jeu conduit à des adaptations rapides (quelques secondes à quelques minutes) des systèmes cardiorespiratoires permettant d'augmenter la disponibilité cellulaire en carburants primaires et oxygène nécessaires au maintien de la resynthèse de l'ATP. Mais ces phénomènes rapides particulièrement visibles et bien connus sont complétés de phénomènes cellulaires beaucoup plus discrets, de temps de réponse plus long (plusieurs heures), liés aux modifications des sécrétions endocriniennes : l'impact cellulaire diffus de ces messagers hormonaux n'a pratiquement aucune traduction immédiate sur le comportement des organes impliqués dans l'adaptation immédiate ; en revanche cette imprégnation plus lente via les récepteurs membranaires, ou après un transfert transmembranaire et intracellulaire direct jusqu'au noyau cellulaire qui gouverne la cellule, modifie discrètement mais de façon durable en profondeur l'activité cellulaire dans son fonctionnement, en particulier grâce à une modulation de l'intensité de synthèse des enzymes nécessaires au raffinage énergétique de l'ATP ou au développement et à la réparation cellulaires. Cette induction enzymatique est donc le primum movens de l'adaptation structurale et fonctionnelle lente liée à l'entraînement. Encore faut-il respecter, pour qu'elle puisse s'exprimer correctement après la phase active catabolique, une phase de récupération anabolique de durée suffisante.

Les modalités et la durée de cette récupération sont donc obligatoirement dictées par les modalités et la durée de la phase active qui la précède. Il est donc immédiatement indispensable de distinguer de façon didactique deux types d'entraînement: le premier qu'on pourrait qualifier de biologique se limite à faire baisser le pool énergétique cellulaire ; sa récupération ad integrum est essentiellement affaire de restauration des réserves énergétiques (quelques heures à quelques jours); le second que nous qualifions de pathologique s'accompagne en plus de destructions cellulaires qui nécessiteront nettoyage et cicatrisation cellulaires, dont la récupération totale est affaire de semaines, voire de mois ! Par ailleurs il est nécessaire de garder en mémoire que si le remplacement de certaines cellules détruites est possible, par exemple les cellules musculaires du fait de la présence locale de cellules embryonnaires de Moro, celui-ci ne reste possible que dans la limite des stocks résiduels disponibles ; encore est-il nécessaire en plus que d'autres lésions alentours ne gênent pas ce développement, petits hématomes, processus inflammatoires exagérés ou cicatrisation fibreuse.

L'alternance des phases actives cataboliques et de récupération anaboliques doit donc être fixée en suivant le principe d'une optimisation et d'un entretien prolongés de l'expression du potentiel génétique individuel. Cette alternance régulière idéale est malheureusement perturbée par différents événements plus ou moins accidentels qu'il est donc préférable d'amortir plutôt que d'amplifier : ces perturbations intercurrentes nécessitent de modifier alors l'amplitude et la période des oscillations précédentes, soit de manière préventive lorsqu'elles sont programmées (stages, compétitions), soit de manière curative lorsqu'elles sont accidentelles (maladie, immobilisation).

 

QUELQUES EXEMPLES DE RECORDS ET MÉDAILLES

PRÉPARÉS PAR L' ASSOCIATION SPORT TRAVAIL BIOLOGIE

 

21 décembre 1986, Michel FOREST : Record du Monde masculin de Nage avec mannequin: 15 km en 09 h 07 min 05 sec.

21 décembre 1986, Geneviève GIGANTE : Record du Monde féminin de Nage avec mannequin : 15 km en 09 h 20 min 40 sec

09-14 juillet 1987, FCCK Eaux-vives : 1ère nation aux Championnats du Monde de Canoë-Kayak, 16 compétitions: 8 médailles d'Or, 5 d'Argent, 3 de Bronze.

11-13 juillet 1987, Dominique CALLARD : Record du Monde du triple Triathlon, 12 km de nage+540 km de vélo+126,6 km de course à pied en 52 h 47 min 57 sec.

24 octobre 1987, Tristan MOURIC : Record du Monde de l'heure Handisport Cyclisme à Grenoble 38,544 km en 1 h.

27 mars 1988, Christian METELLUS :Record de distance de Nage sur 24 heures, 73,925 km en 24 h.

26 juin 1988 : Sylvie SELLES, Record de distance de nage sur 24 heures, 75,035 km en 24 h.

10 14 juillet 1988, Dominique CALLARD : Record du Monde du quintuple Triahlon : 20 km de nage, 900 km de vélo, 210 km de course à pied en 108 h 45 min l2 sec.

18 décembre 1988, Tristan MOURIC : Record du Monde de l'heure Handisport Cyclisme à Grenoble, 38,786 km en 1 h.

17-18 juin 1989, FFCK Descente : 1ère nation aux Championnats du Monde Rivière de canoë-kayak, 4 médailles d'or, 2 d'argent et 3 de bronze.

0l octobre 1989, Tristan MOURIC : Record du Monde de l'Heure Handisport Cyclisme à Mexico, 40,400 km en 1 h.

27 février 1994, Michel FOREST : Record du Monde masculin de Nage avec mannequin, 21km en 12 h 36 min 23 sec.

29 avril 1995, Cathy MARSAL, Record du Monde féminin de l'Heure Cyclisme à Bordeaux, 47.112 km en 1 h.