COLLOQUE MÉDICO-SPORTIF F.F.C.K. POITIERS 1997

APPORT DE LA KINÉSITHÉRAPIE DANS LE CADRE

DU SYNDRÔME DE LA LOGE CHRONIQUE DE L'AVANT-BRAS

EN CANOË-KAYAK

 

Jean-Michel Leroux, kinésithérapeute de l'Équipe de France de course en ligne

 

Le syndrôme de loge chronique de l'avant-bras est une pathologie peu courante dans la pratique du canoë-kayak. Pourtant lorsque celle-ci est présente, sa prise en charge thérapeutique n'est pas simple et conduit le plus souvent à une indication chirurgicale qui compromet une saison complète de pratique sportive.

Dans le cadre d'un refus de l'intervention chirurgicale par un athlète de l'Équipe de France de descente présentant un syndrôme de la loge cubitale de l'avant-bras, il nous a fallu mettre en place une prise en charge kinésithérapique globale dans le but de compenser au mieux les conséquences de ce refus et permettre à l'athlète de poursuivre son programme (entraînement et compétition) dans les meilleures conditions.

Notre action a porté sur trois plans :

AU NIVEAU THÉRAPEUTIQUE

Le syndrôme de la loge cubitale de l'avant-bras était bilatéral avec une prépondérance pour le côté droit chez cet athlète droitier et naviguant avec des pagaies croisées à droite (c'est la main droite qui entraîne la rotation axiale de la pagaie pour présenter les pales dans l'eau).

Les muscles de la loge cubitale sont essentiellement des muscles fléchisseurs des doigts de la main et du poignet qui interviennent bien sûr dans la préhension du manche de la pagaie, mais aussi dans la stabilité du poignet. L'objectif des manœuvres utilisées est de détendre muscles, tendons, membranes de l'ensemble de la chaine musculaire de flexion du membre supérieur et ceci pour tenter de diminuer la pression au niveau de la loge cubitale.

Outre les manoeuvres de massage de détente des loges extérieures de l'avant-bras, nous avons utilisé des techniques d'enroulement de fascias au niveau de la membrane brachio-antébrachiale, des parois du creux axillaire, du ligament suspenseur de Gerdy et jusqu'aux fascias de la nuque.

 

AU NIVEAU DE LA PRÉPARATION PHYSIQUE

Nous avons mis en place un programme de posture d'étirement global de type Mézière avec des annexes au niveau des membres supérieurs permettant d'étirer les fléchisseurs en position de flexion abduction rotation externe.

D'autre part, il a fallu modifier les habitudes de cet athlète concernant les exercices de musculation :

&emdash; Utilisation systématique de sangles dans le travail des tractions pour diminuer la sollicitation des fléchisseurs des doigts.

&emdash; Suppression du travail des biceps qui fait intervenir en statique les muscles fléchisseurs des doigts : il semblerait qu'un excès de travail des biceps soit à l'origine de la pathologie pour notre sportif.

 

AU NIVEAU DU MATÉRIEL

L'objectif est de diminuer les contraintes sur les muscles de la loge cubitale lors du pagayage :

1/ En facilitant la préhension

Les contraintes environnementales (mouvement d'eau, vent) exigent une adaptation permanente de la préhension au cours du cycle de pagayage et notamment au moment de l'entrée de la pale dans l'eau.

Pour permettre un meilleur contrôle de l'orientation de la pale et une meilleure répartition des contraintes sur tous les doigts, nous avons rajouté une cale sur un manche cylindrique en carbone de diamètre 26-28 mm. Cette cale en matériau thermoformable avec l'empreinte de chacun des doigts permet de soulager les efforts sur le quatrième rayon de la main droite qui était le plus douloureux dans le cas de notre athlète. L'utilisation d'un matériel à fort coefficient de frottement augmente l'adhérence de la main sur le manche et donc tend à diminuer les forces de flexion.

 

2/ En facilitant la stabilité du poignet

À l'entrée de la pale dans l'eau, l'incidence d'attaque de la pagaie impose une inclinaison radiale du poignet. La stabilité du poignet nécessite plutôt une inclinaison cubitale de 25° À 30° du fait de l'orientation des surfaces articulaires de la radio-carpienne. La cale que l'on a mis en forme a pour rôle de rattraper cette angulation (surtout du côté droit) et permet de replacer le poignet en position stable au moment de la phase propulsive du cycle de pagayage.

CONCLUSION

En l'absence de traitement chirurgical, notre intervention globale a permis à cet athlète de poursuivre son programme d'entraînement dans de bonnes conditions et de réaliser les performances escomptées. Progressivement les douleurs se sont atténuées et le matériel mis au point a été abandonné au bout de deux années. Le volume de préhension optimum nécessiterait d'utiliser des manches d'un diamètre plus faible introuvables dans le commerce.

N.D.R.L. Bibliographie :

Kouvalchouk J.F. & coll. : le syndrôme d'effort chronique des loges antérieures de l'avant-bras. Rev. chir. orthop. , 1993, 79, 351-6

Bleton R. : les syndrômes des loges au membre supérieur, 8e cahier de la Société française de chirurgie de la main, Expansion scientifique française, Paris, 1996, 15-35.